David Horgan : “La création artistique est une question d’action et de courage”
Aussi loin qu’il s’en souvienne, David Horgan a toujours voulu être artiste. Mais comme beaucoup, il a longtemps considéré ce métier comme inaccessible. Il s’est donc tourné vers l’architecture, une autre forme d’art, rarement considérée comme telle, mais dont la pratique lui semblait plus sûre. Aujourd’hui, il est artiste et illustrateur à Londres, un retour à sa passion initiale dont je vous laisse découvrir l’histoire.
Qu’est-ce qui t’a amené à devenir artiste ?
Ma transition d’architecte à artiste ne suit pas la logique habituelle. Je n’ai pas non plus suivi de formation d’art. J’ai été écarté de ma vie d’architecte pour des raisons économiques. Cela m’a amené à réévaluer ce que je voulais faire de ma vie et à réaliser que je n’étais pas vraiment architecte. Je cherchais à façonner et à modeler l’espace d’une manière qui évoque un sentiment et réponde au lieu de façon poétique. J’appréhendais l’architecture d’un point de vue d’artiste. J’ai donc fait divers jobs de bureau et en parallèle, j’ai commencé à pratiquer l’art dans mon temps libre. Vers la fin de l’année dernière, j’ai finalement décidé de me lancer et de devenir artiste à plein temps.
D’où tires-tu ton inspiration ?
Je m’inspire d’un amalgame de la vie quotidienne et des expériences dont je suis témoin, que je mêle à des références de pop culture et d’iconographie. L’inspiration peut venir de n’importe quoi : quelqu’un qui peint, de la littérature, de la poésie, une robe, un arbre, une texture ou une couleur, les pas de danse de ma femme…
Que veux-tu transmettre à travers ton travail ?
J’aime raconter des histoires. Je cherche à exprimer un récit dans un style coloré et audacieux qui dégage du caractère et de l’humour. Je construis une scène autour des personnages et y intègre des symboles qui enrichissent leurs histoires. J’interroge aussi l’assemblage spontané d’une composition. Je m’intéresse de plus en plus à l’interaction entre les mots et les images et à la façon dont des éléments comme la texture, les marques et la superposition des matériaux peuvent transmettre un sentiment.
Quel est ton processus artistique ?
En général, toutes mes œuvres commencent par des dessins réalisés à la main. Peut-être à cause de ma formation d’architecte, je me soucie de la composition et de l’équilibre de l’image. Tout en conservant une esthétique graphique audacieuse, j’essaie de perdre le contrôle et d’être expressif. Cela conduit à beaucoup d’expérimentation.
Quelles techniques utilises-tu ?
Le plus souvent, j’utilise le tirage pour exprimer mon travail et je transpose mes dessins en sérigraphies. J’aime la limitation des sérigraphies à deux couleurs et la façon dont une troisième couleur est créée lorsque les encres se chevauchent. Il m’arrive aussi de rendre le processus plus complexe en utilisant davantage de couleurs. Je suis par exemple en train de réaliser une sérigraphie en sept couleurs et j’ai hâte de la terminer ! J’expérimente aussi beaucoup avec la peinture. J’aime l’acrylique, son immédiateté. Elle oblige à travailler vite. J’aime aussi la façon dont l’on peut jouer avec la fusion des couleurs et la superposition des couches. J’espère que cela se reflétera dans mon travail de sérigraphie, par le biais du monotype.
Qu’est-ce que l’art signifie pour toi ?
Pour moi, l’art permet de ralentir le temps. On laisse à l’espace le temps de penser, de ressentir et de se reconnecter avec le subconscient. Sur un plan plus personnel, la création artistique est une question d’action et de courage. C’est un peu comme prendre une douche froide. On surmonte nos hésitations, ce qui nous permet de se revitaliser et de se connecter.
Peux-tu nous présenter l’une de tes œuvres ?
Dans le cadre de ma série d’histoires d’amour, A Peckham Romance et Same Kind of Crazy illustrent les idées phares avec lesquelles je joue dans mon travail. A Peckham Romance est la représentation d’une histoire d’amour se déroulant dans les rues bordées de salons de manucure de Peckham (quartier du Sud de Londres). Same Kind of Crazy représente ma femme et moi en train de se détendre, un verre de vin la main.
Selon toi, qu’est-ce qu’être artiste en 2020 ?
La situation actuelle nécessite que nous nous adaptions, quoi que nous fassions. J’aime à croire que face à la manière dont les structures de la société ont été exposées comme étant fondamentalement défectueuses, que ce soit en termes de chaînes d’approvisionnement mondiales, de corruption dans les entreprises ou la façon dont nous produisons et considérons notre nourriture, nous ne pouvons pas retourner au même monde. Les gens sont en train de réévaluer leurs vies et beaucoup ne souhaitent pas retomber dans les mêmes schémas. Il pourrait y avoir une sorte de révolution et je pense qu’en tant qu’artiste, il y a une volonté d’y réagir. C’est le moment déterminant de notre génération. À un stade plus immédiat, on observe un changement dans la manière dont les gens appréhendent l’art. Les implications à long terme que la distanciation sociale aura sur les galeries et la façon dont les gens apprécient l’art sont encore inconnues et en évolution. J’ai personnellement été très actif en ligne, avec des galeries, des marchés et des campagnes virtuels. Il y a un paradoxe dans la façon dont les gens embrassent le pouvoir de connexion d’Internet pendant cette période d’isolement, qui pourrait d’autant plus radicalement changer le monde de l’art.
Quels sont tes futurs projets ?
Je suis très investi dans la peinture en ce moment et prévois de travailler sur des peintures de plus grande taille cet été. D’ailleurs, je trouve que mes dessins sont de plus en plus souvent réalisés avec une peinture à l’esprit.
Plus d’informations sur l’Instagram et le site de l’artiste.
Propos recueillis et traduits par Coralie Halgand
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